Crois-tu qu'elle viendra ce soir ?
80 x 100cm
Dan Montelet, né en 1944, est un artiste plasticien dont la formation a eu lieu à l'École Nationale Supérieure des Beaux_Arts de Paris.
Passionné par les arts visuels et la pédagogie, il a partagé son savoir en tant qu'enseignant tout en poursuivant sa carrière artistique.
Ses œuvres, remarquables par leur innovation, utilisent des techniques mixtes en 3D sous plexiglas, alliant peinture à l’huile, acryliques, modelage, collages et maquettisme, ainsi que l’intégration d’objets de rencontres.
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Crois-tu qu'elle viendra ce soir ?
80 x 100cm
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Les bâtisseurs
50 x 65cm
Saynètes oniriques
80 x 100 cm
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En rester assis ! D’emblée ce fut le choc. Je n’étais pourtant pas à une exposition. J’étais assis au chevet d’un enfant malade. Et selon le fameux serment d’Hippocrate, prononcé des lustres auparavant, mes yeux devaient s’interdire de voir ce qui ne rentrait pas dans le cadre de ma tâche. Pourquoi donc ont-ils croisés ces fameuses « chaises »? Et pourquoi, débordé par une émotion soudaine, me suis-je senti aussitôt ailleurs ? J’avoue m’en être presque voulu par la suite de cette distraction. J’avais en effet résisté avant de me laisser aller à l’écoute des récits croisés que me contait cet amoncellement d’objets
Je suis allé dans une taverne grecque avant l’ouverture : l’ouzo avait beaucoup coulé la veille et le pauvre préposé, harassé, avait fini par jeter les dernières chaises sur le sage empilement du bas ; il n’était pas encore sorti que je me suis retrouvé dans une maison, juste avant la cérémonie funèbre pour laquelle on avait loué tout cela ; j’entendais déjà les gémissements et les pleurs quand le son crissant d’un violon désaccordé m’a fait comprendre mon erreur : ces chaises étaient là pour la fête prévue dans la cour, on avait commencé à les sortir et on les a rentrées précipitamment à cause de l’averse… et puis…, et puis… Et puis c’est ça tout Dan Montelet ! Des accumulations, en apparence arbitraires et qui le sont bien moins qu’on ne le croit quand on les surprend à tenir lieu de la barre qui sépare le signifiant de ses signifiés. C’est un monde qui s’ouvre, le temps qui se suspend, des histoires qui se content et un goût étrange et têtu qui vous vient à la bouche. Etonnant, non ?
Rencontrer l’œuvre de Dan Montelet permet de se rencontrer soi-même. Son histoire, sa mémoire, son angoisse, ses interrogations et ses doutes sont les nôtres. Naître : mystère… Devenir : mystère… Face à ces « insaisissables », Dan a trouvé ce qui pouvait être maîtrisé : les objets de rencontre, objets dont il se saisit, médiateurs entre l’Extérieur et l’Intérieur Indéfini… Objets abandonnés, oubliés, morts, qui reprennent vie car ils reprennent leur sens, le sens que chacun donne à sa vie.
Je voudrais que l’on tînt encore l’antique cérémonie égyptienne de l’ouverture de la bouche : l’œuvre des sculpteurs, vouée au service religieux, s’y chargeait, par enchantement, de l’esprit. Mais la tiendrions-nous, elle ne serait guère utile aux boîtes étranges de Dan Montelet. Leur intrigue est assez puissante et l’on se satisfait de surprises devant elles, petits théâtres immobiles et imaginaires, dont la parole muette comble notre interrogation de son haleine prophétique. La mixité des matériaux et des techniques rend-elle ces boîtes, ainsi que l’étaient les œuvres primitives goûtées par les Surréalistes : intenses d’un rituel à dévoiler. Ainsi qu’ont voulu l’être autrement, exaltant l’expressivité excessive de nos objets communs, les œuvres ready-made : immédiatement reliée à une réalité neuve ou autre ?
Difficile de ne pas associer ces petites boîtes à de petites chambres mentales tels nos appareils photographiques qui dévoilent de façon quasi-apocalyptique une image que tout annonce et qui demeure imprévisible comme la réalité. Les boîtes à images de Dan Montelet, finalement ne disent pas ce qu’elles sont : une copie réalisée de nos têtes qui ne sont pas encore reconnues volumes, volumes à éclairer de l’intérieur… Tourner vers soi, nu, son regard est long et malaisé. C’est pourquoi, mettant à jour des scènes que nous n’avions jamais vues faute d’y donner du regard, Dan Montelet invente la peinture accessible aux aveugles que nous préférons peut-être rester.
Le monde des boites de Dan Montelet c'est avant tout un monde qui réfléchit, qui voyage. Qui parcourt l’Asie (délires opiacés, dénonciations, bols mystérieux, mandalas qui produisent à l’infini des mantras visuels façon fractales). Qui parcourt l’Amérique (continent que Dan a parcouru et d’où il n’a pas rapporté que des objets). Qui parcourt l’Afrique (sa fascination pour le monde Peul se lit dans ses boites qui ressemblent à des récits d’Hampâthé Bâ). Avec des détails qui font rêver. Qui dénoncent aussi. Qui râpent. Des mondes oniriques dans lesquels on flotte, comme ces navires aériens, mi ex-voto, mi vaisseau fantôme (tels le Hollandais Volant ou le Caleuche chilien), comme ces oiseaux parfois meurtris ou ces cerfs-volants qui semblent voler trop vite. Dans son monde on se trouve soudain enfermé dans des chambres où des chaises sont empilées (mécanisme de prolifération à la Ionesco ?) et d’où l’on voudrait s’échapper, en les empilant pour atteindre la fenêtre ; trop haute. Des mondes que l’on construit ; cathédrales et édifices aux escaliers improbables et aux fenêtres où l’on devient le voyeur de la vie qui s’y déroule (référence à Hitchcock ?); des poulies, des cordes, des échafaudages et des contrepoids ; peut-être une allusion à notre existence toujours en devenir, au karma de notre lutte entre individualité et collectivité. Il nous entraîne aussi dans des mondes souterrains où des racines nous renvoient à notre mémoire ancestrale. Ce monde souterrain, n’évoque-t-il pas ce monde utérin que Dan représentait il y a quelques années par une profusion d’œufs (clos, percés ou étalés), clin d’œil à Dali ou aux pataphysiciens qu’il mériterait de rejoindre.
Parfois ses boîtes nous ouvrent des pages d'un livre ancien. Herbiers de botanique ou planches de zoologie d’où surgissent des insectes plus vrais que nature. On se prend pour un Bougainville ou un Darwin à consulter toutes ces merveilles. Les boites de Dan ce sont aussi des mondes magiques où l’Art Nouveau côtoie de superbes ciels à la Boudin et des veduta du type Botticelli ou Guardi. On plonge aussi dans le monde ludique et magique du cirque et du jeu : marelle, jeu de l’oie, flipper, cartes à jouer. Toujours inquiétant, le jeu. Ce monde du jeu fait écho à des décors de foire du trône où funambules et clowns énigmatiques nous jouent un numéro dangereux. Dan Montelet est un touche à tout au sens noble du terme, qui sait pourquoi il touche un sujet et qui sait surtout toucher celui qui regarde, qui ressent son œuvre au point de nous pénétrer individuellement. Ses boites peuvent agir comme un test de Rorschach où chacun, selon ce qu’il est, organise et analyse l’œuvre en se projetant à l’intérieur de chacune d’elles, allant même jusqu’à se déboutonner de façon impudique. Mais, c’est aussi la raison pour laquelle on est plutôt concentré et souvent silencieux contemplant ces œuvres qui risqueraient justement de nous déshabiller devant les autres.
Mais à quoi donc peut bien servir cette mise en boîte si ce n’est à prendre le contre-pied d’un monde appliqué à mettre chacun d’entre nous dans une case ? Ici, le conventionnel est mis à terre : chaque boîte, chaque case sublime l’idée de liberté et de création. Le rêve naît de cette impression ; quelque chose nous échappe de l’ordre de l’indicible, de l’invisible et qui rend vivant chaque œuvre.
Œuvre sensible parce qu’à l’écoute du monde, œuvre d’une humanité rare car imprégnée de sa culture jusque dans le moindre détail. Venir ici nous fait du bien, nous rend à la vie inachevée pour que chacun reprenne sa route, un peu plus éclairé, un peu plus attentif au monde qui ne demande que cela.
Le plus important n’est pas de savoir ni comment ni pourquoi cet artiste nous emmène dans son monde…c’est de s’y trouver, transporté. Lorsque je regarde, alors, la machine à rêves se met en route.
Au fond, il faut se lâcher et redevenir enfant pour comprendre tout ce qui est exprimé dans chaque boîte à mémoire. Etonnant, beau, mais pas seulement…
A la Galerie des Carmes, vous avez peut-être eu l'occasion de découvrir l'univers de Dan Montelet et ses mondes miniatures emprunts d'Histoire et de mythes.
Au croisement des arts et des médias (peinture, dessin, architecture, sculpture, tableau, bande dessinée et livre), ces œuvres ont pour trait d'union des structures blanches sorte d'exosquelette en bas relief dessinant des jeux d'ombre changeants dans ces espaces mystérieux.
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